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Photo du rédacteurAlexandre Barbaron

Rencontre avec Aurélie Pregliasco

Nous avons eu la chance de rencontrer Aurélie Pregliasco, éditrice chez Gallimard Jeunesse, et qui a travaillé sur le projet de nous les menteurs (livre présenté dans le numéro 23 de Graffiti). Elle nous raconte cette expérience à travers un témoignage.

nous les menteurs est un texte américain qui est à l’origine publié aux États- Unis chez Random House, qui nous l'avait envoyé pour lecture dans le cadre d'une foire internationale (on a des foires, dans lesquelles l'on se rencontre, aux alentours desquelles on nous envoie tous les manuscrits étrangers pour qu'on les lise et qu'on en discute). On s'était empressé de le lire. On avait finalement eu un gros coup de cœur, d'une part pour l'écriture : Emily Lockhart a une voix très forte, très ciselée, très directe ; d’autre part parce que c'était le premier roman — il a été beaucoup copié depuis — qui reposait sur une héroïne qui n'est pas fiable, qui ne se souvient pas de ses souvenirs, qui se recherche en même temps que le lecteur essaye de la rechercher. Il a aussi un twist final à la fin, qui était quelque chose d'un peu nouveau dans la littérature ado.

Couverture du livre nous les menteurs
Couverture du livre nous les menteurs

On était donc très séduit par le roman, et on a très vite proposé une offre (qui a abouti). Une fois qu'on l'a acheté, il a fallu trouver la bonne traductrice. On a fait appel à une traductrice qu'on connaît bien chez Gallimard et avec qui j'aime beaucoup travailler : Nathalie Peronny. Elle a une vraie culture, une vraie imprégnation américaine. Elle a été très enthousiaste, donc on a rapidement pu lancer le processus de traduction.

D’un point de vue strictement éditorial, il y a eu ensuite le travail normal de relecture de la traduction, d’ajustements et d’affinages. On avait aussi complètement flashé sur la couverture, qu’on trouvait absolument magnifique et tout à fait dans le bon esprit. Là c’est un cas dans lequel on a pas recréé nous-même une couverture, mais dans lequel on l’a achetée à l’éditeur américain. Cette couverture a été reprise quasiment dans le monde entier — c’est un texte qui a été édité dans de nombreux pays.

En parallèle, il y a le travail sur le titre. Ce n’était pas évident, parce qu'en anglais il s'appelle We were liars. Ce n’est pas un titre qu'on pouvait traduire tel quel... De toute façon, on ne traduit que très rarement tels quels les titres. Ça ne fonctionnerait pas, parce qu’un titre ne peut marcher que dans une seule langue, c’est presque de la poésie. Il faut que ce soit vraiment évocateur pour les lecteurs.


Après cette réflexion sur le titre, qui nous a amené à nous les menteurs, il y a eu tout le travail autour de la quatrième de couverture, qui est faite par l’éditeur. Une fois qu’elle est montée, on l’envoie en approbation à l’auteur. Il dit alors son dernier mot.


Ce titre était un événement pour nous. On avait fait un gros lancement. Notamment, nous avions envoyé des exemplaires anticipés aux libraires pour qu’ils puissent le lire bien avant la parution, pas juste avant. Il avait aussi été demandé à l’autrice d’écrire une lettre à leur attention et à celle des journalistes pour qu’ils aient un mot sur sa démarche, sur ce que représentait le roman pour elle. Il y avait tout un dispositif commercial, comme des publicités sur le lieu de vente (des PLV). Il y avait eu beaucoup de presse, comme toujours, et quelques publicités. Pour tout ce genre de choses, nous faisons une réunion commerciale, six mois avant la sportive de l’ouvrage. On partage à notre équipe commerciale toutes les raisons pour lesquels on a voulu publier ce livre, ce qui nous a plu, pourquoi ça a été un coup de cœur, pourquoi on y croit et aussi dans quelle mesure on y croit, parce que tous les livres n’ont pas le même potentiel. Notre équipe commerciale lit le texte à l’état de work in progress : ils ont déjà le manuscrit sans la maquette, et tous les deux mois on leur présente le fruit de deux mois de travail. Après cette échange et cette lecture, ils vont aller parler aux libraires pour défendre le livre, leur donner envie de le lire, de l’acheter, de le mettre en valeur, de le vendre… Des exemplaires sont aussi envoyées aux journalistes avec un petit communiqué de presse, feindre e faire de la publicité dans les journaux.


Ce qui était intéressant sur ce livre et propre à celui-là, c’est qu’il faisait partie de ceux qui avaient un public très large à l’époque. Il a été lu par la suite par énormément d’adultes, pas seulement par des adolescents. C’est un livre qui a eu un très beau succès, qui a vraiment rencontré son public, beaucoup plus large que le strict roman jeunesse. Ce floutage des frontières entre adultes et jeunesse est de plus en plus vrai. On avait fait une étude avec nos lecteurs et on s’était aperçu que la littérature ado et même la littérature junior était aussi beaucoup lue par des adultes - des jeunes adultes, des trentenaires.


Ce livre a inspiré beaucoup d’auteurs. On nous a proposé par la suite beaucoup de manuscrits ressemblants, avec une héroïne qu’on découvre au fur et à mesure ou un retournement de situation final. Ce qui est assez intéressant, c’est que quand on nous envoie un manuscrit, pour comprendre facilement de quoi il s’agit, un éditeur américain ou anglais va souvent prendre des références. Il va dire, par exemple, que c’est entre Harry Potter et Sa Majesté des mouches. Eh bine ce livre est devenu une référence. Maintenant, quand on nous envoie un manuscrit, c’est une référence,ce qui revient. Il a vraiment fait date dans la littérature ado.


nous les menteurs est ensuite passé en poche longtemps après, parce qu’il s’est vendu très longtemps en grand format. Il faut savoir que quand un livre passe en poche, on touche encore un public différent, parce qu’on s’ouvre à la prescription. Son prix étant moins cher, c’est un livre qui peut plus facilement rentrer dans les écoles, être conseillé par des professeurs. Il a emprunté cette voie là par la suite, et ça lui a été très bénéfique de passer en poche.


Pour ce qui est de la couverture, c’est très aléatoire. Il y a une culture graphique très différente selon les pays. On reprend plus souvent les couvertures anglaises qu’américaines, mais jamais les couvertures allemandes. Avec l’Allemagne, je remarque que nous avons des cultures graphiques très opposées. Parfois, on essaie d’autres choses au fil de la parution : quand on a l’impression qu’une couverture n’a pas aidé un livre à trouver son public, on la change au moment du passage en poche.


Je n’ai pas encore parlé de la fabrication. Pour les romans, la fabrication est cruciale (la fabricante va gérer la création du livre physique, elle a tous les contacts avec les imprimeurs et cætera), mais ce n’est pas une dimension qui implique beaucoup l’éditorial. En revanche, quand on fait un album, l’éditorial est partie prenante de toutes les décisions de fabrication (quel papier ?…)? Pour les romans, c’est très charté. Dans l’exemple d’un roman ado, toute la dimension graphique se résume à la couverture.



Propos recueillis par Alexandre Barbaron

avec la participation d'Owen Samama-Brault


 

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