Reconnaissable dans son costume gris cerclé de sables et d'eaux, le Mont-Saint-Michel est une commune d'une trentaine d'habitants, située sur un îlot dans le département de la Manche (50) en Normandie. Elle doit sa renommée à l'abbaye qui la surplombe. Dédiée à Saint-Michel, archange ayant terrassé un dragon dans l'Apocalypse, dernier livre du Nouveau Testament ; cette abbaye est dotée d'un passé aux multiples facettes. Graffiti vous raconte aujourd'hui une fraction de ce passé.
Pour connaître l'histoire de la formation de ce lieu emblématique de la géographie française, il faut se plonger dans la légende d'Aubert, l'évêque d'Avranches. En 708, alors que cet îlot s'appelle le Mont-Tombe, l'archange Saint-Michel apparaît devant lui et lui ordonne de bâtir un monument en son honneur. Aubert s'exécute alors, et construit un oratoire, lieu destiné à la prière dans la religion chrétienne, en l'occurrence consacré à Saint-Michel. Aubert participe également à l'installation de chanoines dans ce qui s'appelle dorénavant le Mont-Saint-Michel.
Le sanctuaire michélien est alors sous tutelle bretonne, mais la Normandie prend petit à petit le contrôle du lieu. En témoignent l'installation de moines bénédictins et l'expulsion des chanoines par le duc Richard 1er de Normandie en 966. Vers la fin du premier millénaire est construite Notre-Dame-Sous-Terre, église préromane qui devient rapidement une abbaye. Le Mont-Saint-Michel commence alors à devenir un lieu de pèlerinage occidental particulièrement important. Des reliques et des écrits médiévaux y sont également conservés, et étudiés, ce qui donne à la commune le surnom de "Cité des livres".
Au commencement des années 1200, le duc breton Guy de Thouars envoie des hommes piller et incendier le sanctuaire, mécontent de la mainmise de la Normandie sur ce qui leur appartenait auparavant. Philippe Auguste décide alors de financer l'édification de deux magnifiques monuments de trois étages chacun qu'on appelle la Merveille. Les travaux, terminés en 1228, sont significatifs du savoir-faire des artisans de l'époque.
Durant la Guerre de Cent-Ans, la fortification du Mont-Saint-Michel s'impose. Sept tours et trois portes sont construites pour protéger la commune des Anglais. Une véritable forteresse : les soldats d'Outre-Manche sont fermement repoussés lorsqu'ils essaient d'y entrer en 1415. L'Archange Saint-Michel devient alors dans l'imaginaire collectif le protecteur non seulement de la cité normande, mais aussi et surtout du royaume. Cet épisode guerrier passé, le monarque Louis XI engage une réforme dans la nomination des abbés du Mont-Saint-Michel : ils sont désormais nommés par le Roi, et non plus par les moines. Après une période marquée par une baisse du nombre de pèlerinages, des bénédictins de la congrégation de Saint-Maur arrivent à l'abbaye en 1622 et donnent un nouveau souffle à la spiritualité du lieu. Cela n'empêche finalement pas les Rois de France d'utiliser la commune comme prison, ce qui lui attire le nouveau surnom de "Bastille des mers".
Les propriétés de la majestueuse place sont déclarées "biens nationaux" après la Révolution, et elle entame une lente déconstruction, nourrie par les incendies et les variations dans son emploi. Ce n'est qu'en 1874 que le Président de la République de l'époque, Mac Mahon, commence la restauration de l'abbaye, alors qu'elle vient d'être classée Monument historique. Pour faciliter grandement l'accès à la commune, on construit une digue-route depuis le continent. Pour couronner le redressement du sanctuaire, on place une statue de l'Archange Saint-Michel au sommet de la pointe de l'abbaye.
On a l'habitude de dire que la marée entourant le Mont-Saint-Michel remonte à la vitesse d'un cheval au galop, ce qui ne donne pas envie de rester près de l'eau lorsque la marée montante est imminente. En réalité, ce mythe est loin de se révéler exact : la marée atteint difficilement une vitesse de 10 km/h, ce qui est peu comparé à l'allure minimale de 20 km/h des équidés.
L'abbaye est actuellement fermée au public, en raison des mesures gouvernementales.
Owen Samama-Brault