Hommage à la liberté
« Liberté, j’écris ton nom » ! En cette période trouble, où la guerre fait rage, où les conflits idéologiques sont omniprésents, où chaque mot prononcé, où chaque image publiée peut être néfaste pour celui qui ose s’exprimer, c’est à ce moment que nous devons nous rappeler que la liberté n’est jamais chose acquise. Notre liberté, celle de la France et de tous les Français, fut gagnée maintes fois parfois au prix de la vie de nos compatriotes et de nos alliés. Celle d’après la Révolution qui nous a donné notre devise que nous sommes toujours aussi fiers de proclamer : « Liberté, Egalité, Fraternité » ! Puis, tant d’autres épreuves ont été subies par notre nation : Paris assiégé en 1871, puis Paris occupé… A chaque fois, les Français se sont redressés et se sont battus pour la liberté, celle de tous. La liberté commence par la liberté de penser et c'est la connaissance qui nous apporte cette liberté qui permet au fond d’éclairer le monde ! Louons l'École de la République, nos professeurs et l'École alsacienne - qui fête ses 150 ans en 2024 -, qui nous permettent d’être indéfectiblement libres !
La statue de la Liberté : un cadeau qui célèbre l’amitié franco-américaine et tant de batailles
C’est sans surprise de voir donc qu’une statue avec une telle symbolique ait été conçue par un Français : le sculpteur Frédéric-Auguste Bartholdi (Colmar 1834 - Paris 1904).
Tout comme notre École, Bartholdi était Alsacien. Il obtient son Bac en 1852, mais à Louis-le-Grand (l’Alsacienne, créée en 1874, n’existait pas à cette époque). Le sculpteur entreprend son premier voyage aux Etats-Unis après l’invasion de la Prusse dirigée par Bismarck ainsi que la perte de l’Alsace-Lorraine et la Commune de Paris en disant ceci : « Je lutterai pour la liberté, j’en appellerai aux peuples libres ». Ses ateliers se situaient tout près de l'École : d’abord au 38-40 rue Vavin, puis au 82 rue d’Assas. Tous deux ont été détruits.
C’est en 1865 que l’idée d’un cadeau aux Etats-Unis est évoquée, lors d’un dîner chez De Laboulaye - homme politique d’influence, professeur au Collège de France, passionné par l’Histoire des Etats-Unis - auquel était invité Bartholdi (31 ans à l’époque).
A ce moment-là, la guerre de Sécession, opposant la Confédération des États du Sud, esclavagistes, aux États du Nord, les Yankees abolitionnistes, venait de se terminer avec la reddition du général Lee. Mais peu de temps plus tard, le premier président républicain du pays, Abraham Lincoln, se fait assassiner à Washington DC ! La fin de « The Civil War » était très importante et a conféré, le 18 décembre 1865, de la dignité aux anciens esclaves, avec le 13e amendement : « Ni esclavage, ni servitude involontaire [...] n’existeront aux Etats-Unis ».
Enfin, quelques années plus tard, un autre événement devrait être célébré : le centenaire du combat pour l'indépendance des Etats-Unis, où le marquis de La Fayette, le « héros des Deux Mondes », fit figure importante aux côtés de George Washington. En effet, ce fut à ce moment-là que l'amitié franco-américaine naquit. Ce lien solide nous a depuis été de grande aide. Pendant de nombreux conflits, ils ont été nos alliés. Lors de la Première guerre mondiale, le 4 juillet 1917, au cimetière Picpus (Paris 12e) où repose le marquis, les Américains crièrent à leur tour "La Fayette, we are here!" / « La Fayette, nous voilà ! ». Pendant l’Occupation, le drapeau sur sa tombe fut le seul drapeau américain flottant à Paris. Jusqu’à ce jour, chaque 4 juillet, une cérémonie émouvante en souvenir de cette amitié fidèle - présidée par l’ambassadeur américain-, se tient devant la tombe du héros qui est l’une des huit personnalités étrangères à avoir le titre de citoyen d’honneur des Etats-Unis.
La conception et la réalisation de la statue : le trio Bartholdi, Viollet-le-Duc et Eiffel
Lorsqu’on parle de monumentalité, le travail est long, toujours en équipe et il faut aussi le financer, ce qui n’est jamais chose aisée. La statue fut conçue, fabriquée et financée par la France - par le gouvernement et dons privés-, et le piédestal fut payé et construit par les Américains, via une souscription publique. « Le monument de l’Indépendance sera exécuté en commun par les deux peuples associés dans cette œuvre fraternelle comme ils le furent jadis pour fonder l’Indépendance. Nous affirmerons ainsi par un souvenir impérissable l’amitié que le sang versé par nos pères avait scellée jadis entre les deux nations. »
Quant à l’équipe pour la réaliser, Bartholdi, sculpteur, fut accompagné dans ce projet par deux grands noms de l’histoire de l’architecture et ingénierie du XIXe siècle : d’abord par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc (oui, le même que fit ériger la flèche de Notre-Dame de Paris) puis, après le décès de ce dernier, par l’ingénieur Gustave Eiffel.
Viollet-le-Duc a été l’architecte du bras et de la flamme : important car la réalisation de la statue avait pris du retard et seuls ces éléments furent présentés à New York pour le centenaire de la Déclaration de l’indépendance des Etats-Unis. Aujourd’hui, la flamme originale est abritée dans le musée. En effet, celle-ci fut victime, en 1916, de la Première Guerre mondiale. Pendant que les poilus se battaient au front sur le vieux continent, les Etats-Unis aidaient tout de même leurs alliés, malgré leur neutralité. L’Allemagne étant au courant de ce soutien outre-Atlantique, elle mit en place un service d’espionnage qui fit sauter « Black Tom », un entrepôt de munitions américaines destinées à partir pour l’Europe, qui se trouvait alors dans le port de New York. Le souffle de l'explosion a endommagé la flamme. Suite au traité de Berlin de 1921, signant la paix entre les Etats-Unis et l’Allemagne, celle-ci, reconnue coupable de l’explosion, dût payer des réparations à la hauteur de 780 Millions de dollars actuels dont le paiement final n’eut lieu qu’en 1979 par l’Allemagne de l’Ouest (RFA) !
Après le décès de Viollet-le-Duc en 1879, Gustave Eiffel prit le relais pour concevoir la structure interne de la statue qu’il imagina en fer, donc bien avant notre célèbre tour !
La statue fut assemblée dans l’atelier du fondeur Gayet-Gauthier rue des Chazelles, dans le 17e arrdt de Paris : elle dominait les immeubles du quartier ! Ensuite, elle fut transportée par bateau aux Etats-Unis pour être inaugurée le 28 octobre 1886, douze ans qprès la date prévue.
La Liberté éclairant le monde : un symbole pour tous les peuples
Si la Liberté est un chef-d’œuvre de la sculpture, avec ses fines feuilles de cuivre norvégien qui recouvrent son ossature métallique, sa symbolique dépasse tous les critères de beauté et d’ingéniosité. On se pose alors la question de savoir quel symbole cette statue représente-elle aujourd’hui ? Est-il exclusif aux Américains ou universel ?
En effet, sa symbolique a évolué au fil du temps :
De l’indépendance et de l’abolition de l’esclavage pour les Américains, elle est devenue, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, symbole de l’immigration, qui fut d’abord européenne : cette statue était la première chose qu’ils voyaient en arrivant à l’Ellis Island, à New York. Elle représentait pour ces immigrants cette valeur qu’ils recherchaient tant et qui leur permettrait d’avoir un avenir avec ce leitmotiv « Yes, you can », « Work hard and make your dream come true ». Par ailleurs, depuis 1903, le poème d’Emma Lazarus, The New Colossus (1883) est gravé sur la base de Lady Liberty et évoque cette immigration de la fin du XIXe siècle (“Envoyez-moi vos fatigués, vos pauvres, Envoyez-moi vos cohortes qui aspirent à vivre libres, Les rebuts de vos rivages surpeuplés. Envoyez-les moi, les déshérités, que la tempête m'apporte, De ma lumière, j'éclaire la porte d'or !”).
Puis, dans la seconde moitié du XXe siècle, la liberté prit une connotation d’émancipation, avec la génération « Peace and love » qui prônait un mode de vie alternatif, en communauté et la non-violence avec son slogan « Flower power ».
De nos jours, la liberté a une signification plus divergente, soit celle de vivre sans oppression (au travail, à l’école, politique ou religieuse), mais cela peut avoir un sens de « faire ce que je veux, par rapport à mes envies ou à mes croyances » sans prendre parfois en considération la liberté et les droits de l’autrui.
Si l’on peut contester certaines approches du sens qu’a pris le mot, on retient que la plupart du temps, l’opinion publique présente la liberté en tant que droit fondamental de l’être humain : la liberté de mouvement, la liberté de pensée, la liberté de manifester, la liberté de s’exprimer, la liberté d’« être ». C’est un trésor universel, une étoile qui guide et qui attire, un phare qui éclaire et qui conduit vers un monde meilleur.
Une balade à Paris en quête des cinq répliques et de la flamme !
Si la fameuse statue fut fabriquée à Paris et qu’elle prit ensuite le bateau vers New York, aussitôt des répliques furent réalisées et dispersées à Paris. Il y en a cinq (une sixième est partie en prêt à Washington D.C.) et une flamme. Où se trouvent-elles ? Sont-elles toutes parfaitement égales ? Graffiti vous dévoile maintenant les détails !
1/ Iles aux cygnes, Paris 15
L’ile aux cygnes est une île artificielle qui sert d’appuie à trois ponts : le magnifique pont Bir-Hakeim, le pont Rouelle et le pont de Grenelle. Sur la pointe avale, regardant en direction de New York, vers sa grande sœur, se trouve la plus connue des répliques. Mesurant 11,50m, donc le quart de Miss Liberty qui atteint 46 mètres, celle-ci fut offerte par le comité des Américains à Paris pour le centenaire de la Révolution française. D’ailleurs, sur la tablette tenue par Miss Liberty, on peut lire les deux dates symboliques de l’Histoire des deux pays : 14 juillet 1789 et le 4 juillet 1776, alors que dans la statue de la Liberté new-yorkaise, figure seulement la date de la déclaration de l’indépendance des Etats-Unis, JULY IV MDCCLXXVI. Donc, tout n’est pas pareil.
2/ Jardin du Luxembourg, Paris 6, copie du modèle
Afin de faire cette réplique, un petit modèle de 1,85m fut réalisé. En 1900, il se tenait au musée puis au jardin du Luxembourg, à la demande de la veuve de Bartholdi (n’oublions pas que son atelier se trouvait jusqu’à côté, au 82 rue d’Assas). Mais la torche fut volée et, en 2012, le modèle fut transporté au musée d’Orsay pour des raisons de conservation. Au Luco, il s’agit d’une copie de ce modèle, fondue aux frais du Sénat, après le transfert de l’original au musée d’Orsay.
Tout près de l'École, vous pourrez admirer en particulier que son pied droit est relevé (elle marche en apportant la liberté !) et qu’à ses pieds figurent des manilles et des chaînes brisées symbolisant la fin de l’oppression et de l’esclavage. Aussi, remarquez la tablette de cuivre où figure cette fois-ci l’inscription 15 novembre 1889, date de l’inauguration de la réplique.
3/ Musée d’Orsay, Paris 7
C'est au musée d’Orsay, dans la nef centrale, où le modèle original s’y trouve. Original, sauf la torche qui avait été volée donc il s’agit ici d’une fonte récente réalisée à partir d’un moulage en plâtre conservé dans le musée. Ce modèle, seize fois plus petit que la statue new yorkaise, a été présenté pour la première fois à l’Exposition universelle de 1900 qui a vu naître le grand et le petit palais, le pont Alexandre III et l’ancienne gare d’Orsay, devenue musée.
4/ Musée des Arts et Métiers, Paris 3
Le musée abritait deux répliques. La première, toujours en place dans l’ancienne église devenue lieu d’exposition, se trouve le modèle de plâtre peint original au 1/16. On pourrait même dire qu’il ne s’agit pas d’une réplique car il s’agit du modèle original qui a servi ensuite, en l’agrandissant, pour faire la statue new yorkaise.
La deuxième, celle du parvis, est partie en prêt à Washington DC après avoir fait une escale à New York pour le 4 juillet. C’est pour cela qu’on ne trouve plus que cinq répliques au lieu de six à Paris jusqu’au moins 2031, date probable de l’expiration fin du prêt de la statue.
Belle mise en abyme, avec la réplique du parvis du musée des Arts et Métiers arrivant à New York pour le 4 juillet, avant de poursuivre son voyage jusqu’à Washington DC © Adam Hunger | Crédits : AP
5/ Place Michel Debré, carrefour de la Croix-Rouge, Paris 6
Au sein de la place se trouve une sculpture énigmatique : celle du Centaure de César (ou, le même sculpteur qui a fait le trophée du célèbre “Les César du cinéma” visant à récompenser les meilleures productions françaises. Avec le visage de César et, au-dessus, un masque visière avec à l'effigie de Picasso, à qui César rend hommage, le Centaure, être mi-homme mi-cheval, abrite dans son torse une micro statue de la Liberté. La voyez-vous ?
6/ La flamme de la Liberté, place de l’Alma, Paris 8
La réplique de la flamme new yorkaise en grandeur réelle ! En cuivre doré, la flamme fut érigée en 1987 pour réaffirmer l’amitié franco-américaine suite à la restauration de la statue new yorkaise effectuée par des entreprises françaises.
L’international Herald Tribune (ex. Paris Herald, publié à Paris, devenu The International New York Times jusqu’en 2016, date à laquelle le siège du journal quitta Paris), qui commémore aussi son centenaire en 1987, a coparrainé ce projet et a publié une page d’appel au don pour le financer, comme en témoigne la plaque en bronze.
En 1997, donc dix ans plus tard, la flamme change de symbolique à son insu et devient une stèle commémorative à l’honneur de la princesse Diana, décédée dans un accident de voiture dans le tunnel de l’Alma.
Nous vous proposons la carte interactive pour
aller admirer les statues parisiennes :
Cette statue, elle est partout. Dans nos têtes, et dans nos vies. Des répliques sont construites afin de la réincarner partout où l’on va. On en compte 5 à Paris, plus de 200 aux Etats-Unis dans 39 États, une quarantaine dans le monde. On en trouve en Asie, en Amérique Latine, en Australie, et en Europe. Toutes ont la même signification, la même pensée, le même message : la liberté éclaire le monde !
Quelle est votre statue préférée ?
La new yorkaise
La réplique sur l'île aux cygnes avec les 2 dates symbolique
Le modèle au jardin du Luxembourg
Le modèle original en plâtre du musée des Arts et Métiers
En savoir plus : les textes
>>> Texte de Laboulaye, Le parti libéral, son programme et son avenir, 1863.
« Je n’ai pas besoin de dire quelle est à mes yeux la seule politique qui soit bonne ; cette politique, elle est écrite dans l’histoire de nos soixante-quinze dernières années. Monarchie, Assemblées, République, Empire, Royauté, légitime ou quasi-légitime, tout est tombé ; une seule chose est restée debout : les principes de 1789. N’y a-t-il pas là un enseignement suprême ? Ne comprend-on pas qu’au milieu de toutes ces ruines, ni les idées, ni la foi, ni l’amour de la France n’ont changé. C’est pour la liberté que nos pères ont fait en 1789 une révolution qui dure encore ; elle ne s’achèvera que par la liberté. »
>>> Poème The New Colossus, Emma Lazarus, 1883
“Not like the brazen giant of Greek fame,
With conquering limbs astride from land to land;
Here at our sea-washed, sunset gates shall stand
A mighty woman with a torch, whose flame
Is the imprisoned lightning, and her name
Mother of Exiles. From her beacon-hand
Glows world-wide welcome; her mild eyes command
The air-bridged harbor that twin cities frame.
“Keep, ancient lands, your storied pomp!” cries she
With silent lips. “Give me your tired, your poor,
Your huddled masses yearning to breathe free,
The wretched refuse of your teeming shore.
Send these, the homeless, tempest-tost to me,
I lift my lamp beside the golden door!”
>>> Liberté, j’écris ton nom, de Paul Eluard, 1942
« Sur mes cahiers d’écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur le sable sur la neige J’écris ton nom
Sur toutes les pages lues Sur toutes les pages blanches Pierre sang papier ou cendre J’écris ton nom
[...] Et par le pouvoir d’un mot Je recommence ma vie Je suis né pour te connaître Pour te nommer
Liberté. »
Paul Eluard
Sources images
Liberté, j’écris ton nom illustrée par Fernand Léger, photo personnelle
La majorité des images de la statue de la Liberté viennent de Wiki commoms
Portrait de Frédéric Auguste BARTHOLDI, Wikic ommoms
Photo de la flamme à l’Alma, wiki commons par Zairon
Statue de la Liberté dans le parvis du musée des arts et métiers, wiki commons par Als33120
Portrait d’Abraham Lincoln, Wiki commoms
Tombe du marquis de la Fayette et de son épouse Adrienne au cimetière de Picpus, Paris 12e arr., Wiki commoms
Flamme de la Liberté, Wiki commoms GFDL,cc-by-sa-2.5,2.0,1.0
Centaure de César CC-BY-NC-SA 2.0 Creative Commons