Introduites en 1912 par Pierre de Coubertin, les cérémonies d’ouverture et de clôture actuelles sont renommées pour introduire le public à la culture de la ville hôte des jeux et promettre un contenu épique. Ces performances créent toujours un engouement particulier dans les médias et donnent de la visibilité internationale aux artistes qui s’y produisent, mais cette année plus que toute autre, la cérémonie baptisée “Seine Olympique” a enflammé la toile.
Ce 26 juillet dernier, ce n’est pas au Stade de France mais bien sur les quais de la Seine et dans différents édifices emblématiques du patrimoine parisien qu’a eu lieu la cérémonie d’ouverture des jeux de 2024. Sur un parcours total de plus de 6 km, les artistes ont fait de Paris leur terrain de jeu et ont fait émerger de part et d’autre du fleuve le travail remarquable du metteur en scène Thomas Jolly. Concrètement, quels étaient les moments phares de cette cérémonie et comment les artistes se sont-ils autant affranchis des codes habituels des cérémonies d’ouverture ?
Alors que la révélation des porteurs finaux de la flamme olympique est toujours un sujet brûlant pour le public, l’arrivée du comédien Jamel Debbouze et du champion de football de renom Zinédine Zidane ne pouvait pas décevoir. Ces célébrités ont donné le ton pour le reste de la soirée, qui s’est avérée inoubliable aux yeux de tous.
De nombreuses images ont été retenues et particulièrement saluées par le public. Thomas Jolly avait notamment tenu à donner une ouverture théâtrale avec un magnifique rideau d’eau coloré bleu, blanc, rouge sur le pont d’Austerlitz pour l’entrée sur le fleuve de l’éternelle première délégation, la délégation grecque. C’est ensuite Michael Phelps et Martin Fourcade qui ont présenté les médailles olympiques, chacune sertie d’un symbolique morceau de la tour Eiffel.
Pour ouvrir l'univers musical, nulle autre que la pop star internationale Lady Gaga ! Bien que la chanteuse ait gardé sa Poker Face à propos de sa venue à Paris, le public n’était pas surpris de la voir au square Barye. Son interprétation de Mon truc en plumes de Zizi Jeanmaire, icône du cabaret parisien, a fait sensation auprès des Français, et l’intense préparation à laquelle elle s’était livrée en amont a porté ses fruits. L’arrivée de la pluie a cependant chamboulé les plans et l’emploi du temps, et la chorégraphie a obligé Lady Gaga à enregistrer sa partie ; c’est cette vidéo qui a été retransmise sur nos écrans, seul bémol que la toile a trouvé à l'interprète !
Les avions dessinant des cœurs dans le ciel ont ensuite laissé place à Aya Nakamura. Lorsque, quelques semaines auparavant, la chanteuse était annoncée comme vedette de la soirée, certains se sont offusqués, comme le collectif d’extrême droite Les Natifs, qui ont réagi avec ce message : « Y’a pas moyen Aya, ici c’est Paris, pas le marché de Bamako ». Ce slogan reprenant des paroles de sa chanson Djadja et faisant référence aux origines maliennes d’Aya a créé toute une polémique à propos de sa légitimité à chanter pour les jeux de Paris. Les différents propos racistes prononcés à ce sujet n’ont pas empêché Aya de délivrer la performance de l’année sur le pont des Arts. Meilleur pic d’audience de la télévision française avec 31,4 millions de téléspectateurs, le mélange de ses singles Djadja et Pookie, et de la mythique chanson de Charles Aznavour For Me Formidable a su conquérir le monde.
Cette interprétation unique, sa tenue dorée iconique et la participation largement appréciée de la garde républicaine ont fait le tour d’internet, et ont convaincu les fans tout comme les sceptiques. Alors que le monde entier fredonnait l’air de ce remix aussi étonnant que réussi, on peut parler d’un plébiscite pour la nouvelle icône française.
Dans un registre plus traditionnel, c’est La Marseillaise interprétée par la chanteuse lyrique Axelle Saint-Cirel qui a fait sensation. C’est à la suite de cette interprétation qu’ont été révélées les statues de grandes héroïnes de l’histoire de France près de l’Assemblée nationale : Jeanne Barret, Simone de Beauvoir, Olympe de Gouges, Christine de Pizan, Alice Guy, Gisèle Halimi, Alice Milliat, Paulette Nardal, Louise Michel, et Simone Veil.
Un événement de la soirée a cependant été particulièrement relayé dans les médias : le banquet servi pour l'équipe de France sur la passerelle Debilly. Cette scène, centrée autour de la DJ Barbara Butch et d’autres drag queens comme Piche ou Nicky Doll, a fait polémique. La plupart des internautes ont interprété cette œuvre comme une revisite du tableau La Cène de Léonard de Vinci (le dernier repas de Jésus avec ses apôtres) et l’ont donc considérée comme blasphématoire et diffamatoire envers la religion chrétienne, à cause des drag queens et de la nudité de Philippe Katerine. Le metteur en scène s’est exprimé à ce propos en expliquant qu’il s'agissait en réalité d’une revisite du Festin des Dieux avec Barbara Butch en Apollon. Cette scène a tout de même été censurée dans différents pays, laissant à l’image un long plan sur la tour Eiffel.
D’autres détails ont fait parler sur les réseaux sociaux comme le cavalier d’argent remontant la Seine et le pont d'Iéna, allégorie de la déesse du fleuve, admiré par certains et vu comme un signe de satanisme par d’autres, ou encore des pseudo-signes d’égorgement d’enfants alors qu’un danseur tournait simplement sa tête lors d’une chorégraphie.
Le clou du spectacle était évidemment Céline Dion, perchée sur la tour Eiffel, juste en dessous des anneaux olympiques illuminés en cette nuit estivale. Elle a fièrement interprété Hymne à l’amour, un des titres les plus connus d’Édith Piaf. Saluée par la critique, sa voix singulière et si chère à la France incarnait parfaitement l’image française.
Nous avons aussi vu Gorji, chanteur de métal français performer en live sur la conciergerie et Juliette Armanet chantant l’Imagine de John Lennon accompagnée du piano enflammé de Sofiane Pamart.
Enfin, la présentation de la vasque olympique et son premier envol dans le ciel de Paris n’est pas passé inaperçu et a laissé de magnifiques images gravées dans les mémoires. Que ce soit pour les chanteuses aux remix exclusifs, les vidéos inédites des minions, la présentation des athlètes de toutes les délégations ou encore les chorégraphies et mises en scène, tout le monde en avait plein les yeux ce 26 juillet. Ce spectacle époustouflant était présenté par Daphné Bürki, Laurent Delahousse et Alexandre Boyon depuis le Trocadéro. Malgré les polémiques et les critiques de certains partis politiques comme le RN, 86 % des Français considèrent cette cérémonie comme une franche réussite ! Thomas Jolly a livré un travail formidable, alliant histoire des jeux, culture française traditionnelle et modernité.