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Photo du rédacteurSimone Faure

"C'est demain que nous partons"

Pour ce numéro de Graffiti, nous avons visité l’exposition « C’est demain que nous partons », au Mémorial de la Shoah de Drancy. Le mémorial est ouvert tous les jours, sauf le samedi et le dimanche, et l’exposition se termine le 22 décembre.


C’est un lieu à trois quarts d’heure de Paris. Pendant la Seconde Guerre mondiale, neuf Juifs français déportés sur dix sont passés par là. Une grande cité transformée en juillet 1940 en camp de détention avant de devenir à l’été 1942 un camp de transit pour la déportation des Français juifs vers les camps d’extermination. Au Mémorial de Drancy, une exposition permanente avec de nombreux témoignages, vidéos et photos raconte cet épisode du siècle dernier.


Exceptionnellement, jusqu’à la fin de l’année 2022, une autre exposition présente une grande sélection de lettres d’internés de ce camp et d’autres camps. Deux cents lettres envoyées entre 1940 et 1944 sont exposées. Certaines ont été écrites depuis le Vel d’Hiv après les rafles de juillet 1942, d’autres depuis Drancy ou le camp du Loiret, certaines ont même été jetées depuis les wagons à bestiaux des trains de déportation. Des lettres sont écrites par des adultes, d’autres par des adolescents et même des enfants. Ils ne savent pas ce qui les attend. Certains essaient d’organiser la vie depuis là où ils sont, pour se faire envoyer des colis ou pour s’occuper de ceux qu’ils ont laissés derrière eux. (“J’ai une demande à faire à vous : gardez et soignez mon enfant comme si c’était le vôtre. Je vous prie de ne pas donner mon petit à personne, sauf ma mère”). Le plus frappant, c’est les efforts qu’ils font pour rassurer leurs familles (alors que rien n’est rassurant dans ce qu’ils vivent). Comme le courrier était relu et parfois censuré, il fallait qu’il soit en français. Certains qui le parlaient mal laissaient d’autres détenus écrire pour eux.


Cette exposition bouleversante permet de mieux comprendre les différentes étapes de la façon dont ont été traités les Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Quand on sort de l’exposition dans le Mémorial, on remarque un wagon en bois, témoignage de l’époque. Derrière lui, la Cité de la Muette, qui a servi de camp d’internement de gens dont on peut lire les lettres, est toujours habitée aujourd’hui.


Simone Faure



Parce que le papier était rationné, les personnes internées écrivaient le plus petit possible. D’autres illustraient leur courrier. Une idée revient souvent, celle d’une “destination inconnue”.  Sur une lettre écrite en tout petit, la censure a ajouté un mot pour indiquer à la destinatrice que si son mari continue à écrire si petit, elle ne recevra plus ses lettres.
Parce que le papier était rationné, les personnes internées écrivaient le plus petit possible. D’autres illustraient leur courrier. Une idée revient souvent, celle d’une “destination inconnue”.  Sur une lettre écrite en tout petit, la censure a ajouté un mot pour indiquer à la destinatrice que si son mari continue à écrire si petit, elle ne recevra plus ses lettres.

“Nous sommes dans des wagons d’animaux et nous sommes très serrés. Les enfants jusqu’à huit ans avec leurs mères” Extrait d’une lettre jetée d’un train.
“Nous sommes dans des wagons d’animaux et nous sommes très serrés. Les enfants jusqu’à huit ans avec leurs mères” Extrait d’une lettre jetée d’un train.

C’est mon tour de partir. Mais ça ne fait rien. J’ai un moral excellent comme tout le monde d’ailleurs. Il ne faut pas te faire de bile. […] Je vois d’ici ta tête mon cher Papa. Justement, je voudrais que tu aies autant de courage que moi. […] Je suis sûre que tu supportes bien cette nouvelle tuile. […] Quant à maman, il vaudrait peut-être mieux qu’elle ne sache rien. C’est absolument inutile qu’elle se fasse du mauvais sang…” 
C’est mon tour de partir. Mais ça ne fait rien. J’ai un moral excellent comme tout le monde d’ailleurs. Il ne faut pas te faire de bile. […] Je vois d’ici ta tête mon cher Papa. Justement, je voudrais que tu aies autant de courage que moi. […] Je suis sûre que tu supportes bien cette nouvelle tuile. […] Quant à maman, il vaudrait peut-être mieux qu’elle ne sache rien. C’est absolument inutile qu’elle se fasse du mauvais sang…” 

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